• Chapitre 3 Voler au-dessus des nuées

     

    Roger Davies, le préfet des Serdaigle nous guida jusqu’à l’aile Ouest du château où se trouvait la tour de notre maison. En quittant la Grande Salle, j’avais entr’aperçu le regard courroucé de Daphnée, qui m’indiqua qu’elle ne perdrait pas une seconde pour envoyer une missive à la maison, afin de prévenir nos parents de ma répartition. A ses côtés, sa bande de Serpentard me regardait avec une délectation féroce. Je soupirai. A quoi bon ?

      Le regard fixé sur mes souliers noirs, je suivais le groupe de première année de ma maison, avec résignation, en me préparant mentalement à recevoir une lettre incendiaire de Mère, me blâmant pour mon échec. J’imaginais déjà ses cris d’indignation haut-perchés à mon retour pour les vacances «  comment as-tu fais pour ne pas être admise à Serpentard ? Pourquoi n’as-tu pas convaincu le Choixpeau de t’envoyer là-bas ? Te rends-tu compte à quel point tu mets notre famille dans l’embarras ? » Mais ce qui me brisait le cœur ce n’était pas tant l’attitude odieuse de Daphnée, ni même les remontrances futures de Mère, que d’imaginer la déception se dessiner sur le visage de Père.  Ses grands yeux verts se teinteraient d’une amertume tenace, tandis qu’il froncerait ses sourcils noirs d’une finesse étonnante pour un homme, avant d’aller s’enfermer dans son bureau. Un sanglot grandit dans ma gorge, tandis que j’imaginais l’accueil qu’il me réserverait à notre prochaine rencontre «  Père, pardon je ne voulais pas vous décevoir ! » criai-je mentalement, en espérant qu’il puisse m’entendre.

      " - Mon nom est doux amère et je vois la vie en clair-obscur, je vous fais connaître l’hiver en plein cœur de l’été, qui suis-je ?"

    Je levai les yeux vers le heurtoir en forme d’aigle, fixé sur une porte où il n’y avait ni poignée, ni serrure. La voix douce et mélodieuse qui s’était échappée du bec de l’oiseau, semblait faire écho à mes propres émotions. A croire que tous les objets de cette école pouvaient lire dans mes pensées comme dans un livre ouvert. Avant que le préfet n’ait ouvert la bouche, je lançai d’une voix émaillée par les sanglots :

       " - La mélancolie. 

          - Juste", approuva le heurtoir, avant de laisser la porte pivoter sur ses gonds.

     Quelques-uns de mes camarades m’adressèrent des sourires timides tandis que le préfet, agréablement surpris nous fit pénétrer dans la salle commune de la tour. C’était une pièce circulaire incroyablement spacieuse, qui contrastait fortement avec les escaliers en colimaçon étroits et vertigineux que nous avions emprunté pour arrivés jusque-là.

      En journée la vue sur les montagnes devaient sans doute être à couper le souffle tant la pièce semblait aérée avec ses larges fenêtres en arcades élégantes qui agrémentaient les murs tendus de soie bleue et bronze. Oubliant pour un temps ma tristesse, je regardais admirative le plafond magique en forme de dôme où le ciel étoilé, criant de réalité, nous donnait l’impression de déambuler à ciel ouvert. Les étoiles se reflétaient sur le tapis bleu nuit, dont j’étais certaine qu’il devait être d’un moelleux incomparable, et semblaient flotter tout autour de nous. Les tables et fauteuils donnaient une impression aussi chaleureuse que studieuse, et l’imposante bibliothèque semblait contenir autant de livres que ceux jalousement gardés par Madame Pince.  Dans une niche je reconnus la statue blanche de Rowena Serdaigle, qui nous regardait avec bienveillance. Incroyablement belle, dans sa robe drapée, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres fines, parée de son légendaire diadème, elle se tenait juste entre les deux portes qui menaient aux dortoirs. A gauche pour les filles, à droite pour les garçons.  Pénélope Dauclair, la Préfète-en-chef de notre maison nous guida dans le petit escalier étroit, jusqu’à la porte de notre chambre. Intimidée, je laissai les autres filles s’avancer et refermai la porte derrière moi.

       "- Oh génial ! S’exclama une petite rousse aux grands yeux noisettes pétillants de malice, en se laissant lourdement tomber sur un des lits, Poudlard est encore plus beau que tout  ce que j’avais pu imaginer ! Vous avez vu les étoiles flotter autour de nous ? Mon père m’avait dit que je serais soufflée mais à ce point-là je ne l’aurais pas cru ! Puis en se redressant subitement elle ajouta d’une voix enthousiaste avec un grand sourire, je m’appelle Lucy Coburn, Serdaigle de père en fille depuis Merlin lui-même ne sait plus combien de temps !

    - Matilda Montgomery, se présenta une jolie blonde au visage rond et aux grands yeux noirs fendu dans un sourire amusé bien qu’encore timide.

    - Susan Withehorn, pépia une fille gracieuse au teint de pêche aux cheveux aussi blonds que ceux de Matilda avec de grands yeux bleus émerveillés, ma mère ne voudra jamais croire tout ce que j’ai vu ce soir !

    - Pourquoi cela ? Demanda Matilda curieuse.

    - Elle…elle n’a pas de pouvoirs magiques, Hagrid a dit qu’elle était « mo-quelque chose » mais nous n’avons pas bien compris ce qu’il voulait dire par là.

    - Oh ta mère est une Moldue ! S’étonna Lucy avec un naturel désarmant en se redressant sur le lit avant de s’asseoir en tailleur, c’est un mot sorcier pour désigner les personnes qui n’ont pas de pouvoirs magiques, expliqua-t-elle avec bonhommie puis se tournant vers moi, et toi quel est ton prénom ?

    - Astoria, murmurai-je, Astoria Greengrass.

    - Greengrass ? Répéta Lucy en agitant ses boucles rousses avant d’ouvrir de grands yeux écarquillés, comme la famille Greengrass ?"

      Face aux mines perplexes de nos deux autres camarades qui visiblement n’avaient pas suivis, elle resta un moment interdite en m’étudiant. Je détournai rapidement les yeux, mal à l’aise par cet examen, tandis que Matilda et Susan prenaient place chacune sur un lit. Lucy partit dans un grand éclat de rire et expliqua à nos camarades qui la regardaient, avec désapprobation pour Matilda et un mélange de curiosité et d’incompréhension pour Susan:

    "- Astoria fait partie de l’aristocratie sorcière, expliqua Lucy à l’intention de la jolie blonde, elle est un des membres d’une très grande famille de sorciers, l’une des plus réputées en plus, les Greengrass ! Ils font partis d’un cercle plutôt fermé qu’on appelle les Sangs-Purs,  autrement dit, des sorciers qui ne se sont jamais liés à des Moldus. Ils ne sont plus très nombreux aujourd’hui, mais, dit-elle en me regardant amusée, il semblerait que nous ayons hérité de l’une d’entre eux.

    - Je croyais que tous les Sangs-Purs allaient à Serpentard", avança Matilda en me lançant un regard perplexe.

      Encore des jugements, toujours des jugements ! Agacée, épuisée et furieuse, je me plantai devant mes camarades, les yeux emplis de larmes et les foudroyai du regard. D’abord les moqueries des Serpentard, la méchanceté de Daphnée, et maintenant ça ? Non je ne me laisserai pas juger par qui que ce soit, un Greengrass n’a  de compte à rendre à personne avait dit mon père, et je m’étais suffisamment fait marcher sur les pieds pour la journée :

    "- Mais qu’est-ce que ça peut vous faire que je sois de Sang-Pur ou non ? M’écriai-je les larmes ruisselant sur mes joues, vous croyez vraiment que tous les aristocrates sont d’anciens Mangemorts ? Je suis un être humain, pas un pedigree et figurez-vous que j’ai aussi des sentiments, tout comme vous, dis-je en foudroyant Lucy du regard qui se ratatina instantanément sur le lit, c’est vrai que j’aurai dû aller à Serpentard, mais voilà, j’ai supplié le choixpeau de m’envoyer ailleurs et il a décidé de m’expédier ici, maintenant si ça ne vous convient pas, vous pouvez toujours vous plaindre à Dumbledore !" M’époumonai-je avant de pleurer de plus belle.

     Les filles ouvrirent des yeux ronds d’incrédulité et n’osèrent plus faire le moindre mouvement. A bout de souffle je me laissai choir sur le seul lit inoccupé, près de la fenêtre et pleurai tout mon soul. Susan, s’approcha de moi avec méfiance, sous le regard effaré de Lucy. Elle s’assit à côté de moi et posa sa main sur la mienne dans un geste d’apaisement :

    "- Ecoute, dit-elle d’une voix calme et conciliante, c’est peut-être lié au fait que je sois une Sang-Mêlée élevée par ma mère Moldue, mais je n’ai pas compris un traître mot de ce que tu viens de dire, sourit-elle avec douceur, alors je me fiche bien de ces histoires de sang. Tout ce que je vois, c’est que tu es triste, fatiguée et visiblement à bout de nerfs. Or, d’après ce que j’ai compris, on va passer pas mal de temps ici, donc si tu veux parler de ce qui a pu te mettre dans cet état, vas-y, je ne suis pas totalement stupide, je pense que je pourrai comprendre.

    - Je ne voulais pas te manquer de respect avec ma question, renchérit Matilda d’une voix douce en prenant place à mes côtés, si je t’ai blessé je m’en excuse sincèrement", rajouta-t-elle en me fixant de ses grands yeux inquiets tout en mordillant sa lèvre inférieure.

     Elle tourna légèrement la tête, ses yeux noirs dardant Lucy qui s’était immobilisée sur le lit en face de nous. Un pli sévère tordant ses lèvres, elle interrogea du regard la rouquine qui soupira. Sautant sur ses pieds, la minuscule Lucy Coburn planta ses yeux noisette pétillants dans les miens embués, et m’offrit une mine contrite :

    "- Ecoute, je suis désolée, ça n’était pas correct de parler comme ça, j’ai été stupide, je te demande de m’excuser, sourit-elle timidement, je ne pensais pas que ça te mettrait dans cet état. Reprenons depuis le début tu veux bien ? Demanda-t-elle pleine d’espoir, je suis Lucy, juste Lucy, et je suis la plus petite et la plus enquiquinante sorcière que t’aie jamais rencontré! J’ai pas mon pareil pour mettre les pieds dans le plat, sans parler de mon hyperactivité ! Un lutin de Cornouailles est sage comme une image à côté de moi. Je dis ça en toute modestie, sincèrement".

     Je souris en voyant sa mine soudain très sérieuse. Elle se détendit instantanément  tandis que je commençais à sécher mes larmes.

    "- Moi je suis Matilda, juste Matilda, dit la jolie blonde au visage rond, et je suis la sorcière la plus calme et la plus pondérée que tu n’aies  jamais rencontré, j’ai toujours aimé l’étude et les chocogrenouilles, et tu ne trouveras personne de plus passionnée par l’Histoire de Poudlard que moi, me sourit-elle avec un clin d’œil malicieux.

    - Moi je suis Susan, mais appelez-moi juste Susie, je me considère comme la plus jeune sorcière de l’histoire, puisque j’ai découvert que j’en étais une  il y a seulement un mois. Et oui chères amies, je n’ai jamais connu mon père, qui a quitté le domicile conjugal juste avant ma naissance. Et, en toute humilité, je dois avoir le plus mauvais caractère de tout le Royaume-Uni, dit-elle en fronçant les sourcils faussement contrariée, ma passion pour les cupcakes à la vanille me perdra certainement un jour où l’autre, à moins que ce ne soit ma capacité à me fourrer dans les ennuis ? Le mystère reste entier", dit-elle en arborant une expression qu’elle voulait énigmatique.

     Je ris pour la première fois depuis je ne sais même plus quand. Lucy poussa un cri de victoire en applaudissant à tout rompre, ravie de m’avoir tirée de mes idées noires, tandis que Susie brandissait le poing. Matilda me tapota gentiment l’épaule en me réconfortant, après tout nous n’y pouvions rien si nos camarades de chambres étaient des Gryffondor manqués ! Séchant mes dernières larmes, je me prêtais au jeu de cette présentation sommaire :

    "- Moi je suis Astoria, ou juste Tory comme vous voulez. Je suis maladroite et trop sensible. J’ai un don particulier pour exaspérer ma mère, qui tente vainement de m’inculquer depuis des années, comment doit se comporter une dame de la haute société. Elle sera certainement furieuse d’apprendre ma répartition à Serdaigle, alors qu’elle espérait me voir intégrer la prestigieuse maison de Serpentard, comme ma sœur Daphnée. Les patacitrouilles et les énigmes sont mes plus grandes faiblesses et…je suis désolée de vous avoir crié dessus comme ça, j’ai passé une sale journée mais vous n’y êtes pour rien, je n’aurai pas dû décharger ma colère contre vous.

    - Tu as oublié le plus important, intervînt Matilda d’une voix songeuse, tu as accompli ton premier fait d’armes aujourd’hui, expliqua-t-elle devant nos mines incrédules, sans toi on serait encore devant le heurtoir de la tour de Serdaigle, à attendre que Roger Davies trouve une solution pour ouvrir cette fichue porte !

    - C’est pas faux, approuva Susie, j’ai vu le moment où on allait devoir demander l’hospitalité aux Poufsouffle ou aux Gryffondor.

    - Tu crois qu’ils nous auraient accueillis ? Demandai-je en souriant.

    - Evidemment, intervînt Lucy d’un ton pompeux, enfin nous sommes des Serdaigle ! Tout le monde loue notre sagesse, notre intelligence et notre calme olympien. Sans parler de notre élégance raffinée que le monde entier nous envie !"

      Nous partîmes dans un grand éclat de rire. C’était si bon de pouvoir rire à nouveau ! Nous discutâmes encore jusqu’à une heure avancée et sans savoir comment je me surprenais à raconter en détails cette horrible journée à mes camarades de chambre, qui m’écoutèrent sans broncher, le front barré d’un pli soucieux.

     Quand je leur fis part de mon angoisse des futures sanctions maternelles prises à mon encontre. Matilda, avec sa douceur et sa patience dont je devinais qu’elle devait être proverbiale, me réconforta tant qu’elle le put, tandis que Lucy et Susie élaboraient déjà des stratégies quasi-militaires, pour éviter au maximum la présence des Serpentard. Au bout d’un temps infini, Matilda poussa un cri de stupeur quand son réveil magique nous menaça d’une voix nasillarde, des pires châtiments corporels et autres tortures psychologiques existantes, si nous ne nous mettions pas au lit immédiatement. Surprises et amusées, nous décidâmes d’obtempérer, tant la voix de l’arrière-grand-tante de Matilda était insupportable.

      Si la journée avait mal commencé, je ne pus retenir un sourire de soulagement et de bonheur mêlé, couchée dans le noir. Après la pluie, vient le beau temps m’avait appris Susie, elle avait tout à fait raison. Je ne regrettais pas d’être à Serdaigle, et je n’aurai échangé ma place pour rien au monde. Epuisée je sombrais dans le sommeil, remerciant Merlin malgré la crainte que m’inspirait la réponse à venir de mes parents…

    "- DEBOUT maudites sorcières incapables ! Paresseuses ! Bonnes à rien ! Vous avez exactement dix secondes pour vous lever et vous mettre au travail avant que je ne jette le sortilège du « Lit Brûlant » sur vos couches ! SORTEZ DE VOS LITS IMMEDIATEMENT ! Il y a des Doloris qui se perdent ! DEBOUT FEIGNASSES !"   Brailla la voix nasillarde de Tante Aglaé.

     Grommelant contre l’aïeule de ma camarade de chambre, je me retournais dans mon lit en enfonçant mon oreiller sur ma tête, espérant amoindrir le vacarme de l’insupportable machine. Peine perdue, le réveil de Matilda n’arrêta pas d’hurler son langage fleuri, tant que nous étions encore dans la chambre. Lucy pesta  en se dirigeant vers la salle de bain emmitouflée dans sa couette, tandis que résignée, je me redressais en baillant à m’en décrocher la mâchoire. Susie foudroya Matilda, du regard en menaçant ouvertement de mort l’objet de tous nos maux. J’approuvais d’un hochement de tête. Vu le réveil « énergique » auquel nous avions eu le droit, il y avait peu de chances que l’abominable machine, survive à nos sept années d’études. Matilda nous offrit alors son plus beau sourire et c’est là que je remarquai qu’elle était déjà prête pour aller prendre le petit-déjeuner dans la Grande Salle :

    "- Vous verrez, vous vous habituerez à Tante Aglaé, dit-elle de sa voix douce un sourire moqueur sur les lèvres, elle me réveille depuis mes six ans, mais si ça peut vous rassurer, elle est beaucoup plus calme quand elle se rend compte qu’on est debout avant l’heure.

    -  Parce que tu es débout depuis longtemps ? Demandai-je éberluée.

    -  Oh non pas vraiment, répondit Matilda avec un rire joyeux, je me suis levée à six heures. J’ai relu le premier chapitre du manuel de métamorphose dans la salle commune en attendant que vous vous leviez…"

      Susie et moi échangeâmes un regard ahuri, et j’interrogeai le visage déformé par la rage de »Tante Aglaé » dans la petite sphère argentée. Son œil de verre menaçant de sauter hors de son orbite, l’autre encore valide brillant d’un éclat meurtrier, la vieille dame édentée au chapeau parsemé de lilas brandissait une petite pancarte où sept heures trente  était écrit en rouge vif. Avec des yeux ronds je tournais mon visage impuissant vers Susie qui bougonna de plus belle,  et nous sortîmes de nos lits, sous le regard joyeux de Matilda qui se délectait visiblement de la scène. Par Merlin ! Qu’est-ce qu’elle était insupportable cette Tante Aglaé ! Nous nous préparâmes aussi vite que possible et sortîmes du dortoir, non sans entendre une dernière fois le réveil s’époumoner, d’une voix stridente :

    "- Et tâchez au moins de vous remuer les méninges, bande de trolls dégénérés !

    - Charmante, plaisanta Susie en fermant la porte.

    - Fais-moi penser à balancer cette machine infernale du haut de la tour d’Astronomie", maugréa Lucy à mon intention avec un visage grognon.

     En passant dans notre salle commune, nous rencontrâmes les regards courroucés de tous les élèves de notre maison, dont la majorité encore en pyjamas, brandissait leurs baguettes en réfléchissant au sortilège le plus approprié au vue des circonstances.

      Matilda leur adressa un sourire contrit, en se mordillant la lèvre, tandis que rouge de honte je fixais mes souliers en cherchant une issue. Bien vite, nous nous dirigeâmes vers la Grande Salle, traversant les couloirs au pas de course. Susie et moi nous lançâmes plusieurs coups d’œil terrifiés par-dessus nos épaules respectives, priant Rowena, Morgane, Merlin et la protection de l’enfance, pour qu’aucun Serdaigle revanchard ne décide de nous poursuivre de sa hargne. Une fois arrivé Lucy s’effondra à la table des Serdaigle, encore déserte à cette heure matinale et plongea la tête dans ses bras pour finir sa nuit. Presque instantanément, des plats chargés de victuailles firent leur apparition  et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous attaquâmes notre repas.

      Nous vîmes peu à peu la Grande Salle se remplir d’élèves, en premier lieu des Serdaigle furieux, puis les professeurs Rogue et McGonagall qui s’étonnèrent de nous voir tous si matinaux, et félicitèrent le Professeur Flitwick, pour le sérieux de ses élèves. Dumbledore bailla et nous adressa à toutes les quatre, enfin du moins me semblait-il, un regard aussi malicieux qu’amusé par-dessus ses lunettes en demi-lunes. A la surprise générale, Serdaigle se vit octroyer cinquante points par le Directeur et cinquante de plus par celle de Gryffondor, éblouis visiblement, par l’attitude studieuse des élèves. Matilda rayonna littéralement :

    "- L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt", conclut-elle de sa voix malicieuse, avant de se ratatiner sous les regards lourds de reproches de Susie, Lucy et des quelques autres élèves assis à nos côtés.

      Je lui adressai un regard compatissant avant de rire franchement de notre mésaventure matinale. Lucy râla, visiblement elle n’était pas du matin, avant de s’effondrer dans une cascade de boucles rousses désordonnées, de nouveau sur la table. Ma bonne humeur ne me quitta pas, quand je fis la connaissance des garçons de notre année. Assis à ma droite Stewart Ackerley, était un garçon mince à l’abondante chevelure châtain désordonné et aux grands yeux verts, qui ambitionnait de devenir médicomage tout comme son compère, Edward Hitchens. Grand, pour ses onze ans, des cheveux bruns bouclés encadrant son visage rond, et des yeux noirs perçants, il avait une grande passion pour le Quidditch. Je discutais un long moment avec eux et Matilda, tandis que sur ma gauche Susie s’était lancée dans une grande conversation avec une fille de troisième année, Padma Patil et ses amis, Terry Boot Anthony Goldstein et Stephen Cornfoot. Lucy continuait sa nuit ce qui ne manqua pas d’attiser la curiosité d’Edward qui lui lança des coups d’œil intrigué. Un rapide regard sur l’abondante crinière rousse qui remuait faiblement, au rythme de la respiration régulière de ma nouvelle amie, m’apprit qu’en dépit de son réveil énergique, elle était toujours en vie.

      Nous passâmes notre début de matinée ainsi, mais soudain, alors que la Grande Salle était déjà remplie de discussions animées, je me figeai sur le banc. Daphnée entourée de Pansy et de leur bande, venaient de faire leur entrée  et se dirigeaient vers la table des verts et argents, juste en face de la nôtre. Elle m’adressa un regard méprisant, relayé par toutes ses amies et je sentis la bile me monter dans la gorge. Elle se tourna vers Pansy en me désignant du doigt, et je vis les filles de Serpentard, partirent dans un rire homérique, qui n’était pas sans me rappeler les jappements des hyènes. La suivant des yeux, je me tus, blessée par l’attitude glaciale et moqueuse de ma sœur :

    "- Quelque chose ne va pas Astoria ? Me demanda Stewart d’une voix hésitante.

    - Non, non ce n’est rien, murmurai-je mes yeux soudain brûlants, je baissai la tête et me plongeai dans la contemplation de mon verre de jus de citrouille.

    - Ce n’est pas rien Tory, intervînt Lucy qui s’était redressée, sans doute alertée par mon mutisme brutal, il ne faut pas que tu la laisses t’atteindre aussi facilement.

    - C’est facile à dire, marmonnai-je en rentrant la tête dans les épaules.

    - Si tu étais seule et sans soutien oui certainement, ce serait très dur, avança Matilda avec sa douceur familière, mais voilà tu n’es pas seule, nous sommes là. Nous nous connaissons peu, c’est vrai, mais nous sommes là.

    - Astoria, m’interpella Padma qui quitta Susie pour prendre place à mes côtés, tu sais  je suis en cours avec ces filles et je peux te dire que ce sont de véritables petites pestes, me dit-elle, je crois que ton amie à raison, rajouta la jolie indienne en désignant Lucy du regard, il ne faut pas que tu leur accordes de l’importance, sinon elles continueront, les Serpentard peuvent être vraiment mauvais quand ils sentent qu’ils peuvent exploiter une faille.

    - Qu’est-ce qui s’est passé entre vous, pour que des troisièmes années se moquent de toi dès le premier jour ? Demanda Edward perplexe.

    - Je…je…bredouillai-je, incapable de parler.

    - Tu vois la grande blonde assise au milieu, avec des grands yeux verts ? Lança Susie d’une voix froide à l’intention du garçon qui hocha la tête sans comprendre pour autant, c’est la sœur d’Astoria, Daphnée. Pour faire simple, elle l’a mauvaise de voir sa petite sœur à Poudlard, et ce d’autant plus qu’elles ne sont pas dans la même maison.

    - Tu es la sœur de Daphnée Greengrass ? Demanda Padma en ouvrant des yeux ronds comme des billes avant de m’étudier plus attentivement, la mine toujours aussi surprise, comme si elle avait du mal à croire qu’une fille aussi jolie que Daphnée puisse avoir une sœur aussi quelconque.

    - Ca y’est, l’inventaire est terminé ?" S’exaspéra Lucy en foudroyant Padma d’un regard métallique.

      Confuse, la jeune fille retourna s’asseoir. Je levai les yeux vers la rouquine qui fulminait intérieurement. Mes yeux s’agrandirent de stupeur, quand je vis Pansy et Daphnée se lever d’un même mouvement, dans le dos de Lucy, escortées par leur cohorte « d’amies », pour se diriger droit vers nous. Avec une lenteur calculée, qui signifiait aux autres élèves présents dans la salle qu’il y allait avoir du sport, elles marchèrent dans notre direction, le menton levé, un rictus méprisant barrant leurs lèvres. Ma sœur se planta devant moi, après avoir échangé un long regard avec Pansy, qui se délectait de la scène à l’avance, et me gratifia d’un reniflement de dédain avant de glisser d’une voix perfide :

    "-  Je vois que tu t’es bien adaptée à ta nouvelle maison, Tory. Peut-être es-tu « heureuse » d’être à Serdaigle ? Interrogea-t-elle ses yeux réduits à deux fentes glacées, alors sache que les parents sont déjà au courant de la honte que tu viens de jeter sur notre famille. Profite bien de ta journée petite sœur, car Mère m’a rendue réponse hier soir et je peux te promettre que tu ne riras plus avant longtemps, quand nous serons au manoir. Mais, dit-elle en parcourant notre petit groupe des yeux, maintenant que tu as des amis, peut-être que l’un d’eux te fera la charité de bien vouloir t’accueillir, une fois que Mère t’auras reniée."

      Je me décomposai littéralement sur le banc. Pansy et les autres Serpentard présents ricanèrent en voyant les larmes poindre et menacer de jaillir de mes grands yeux, tandis que Daphnée me dominait de toute sa superbe. Je vis Lucy serrer les dents en agrippant la table avec une telle force que ses jointures blanchirent, tandis que Susie passa son bras autour de mes épaules avec un regard hostile teinté d’une lueur de défi en direction du groupe de filles.

    "- Quelle sollicitude, grinça Matilda, s’il n’y a que cela qui t’inquiètes, dit-elle sur un ton courtois en se tournant vers ma sœur, sache qu’effectivement elle trouvera toujours de la place chez moi.

    - On ne t’a rien demandé à toi ! Glapit Pansy, dont le visage fripé par la colère, la rendit encore plus laide, si cela eut été possible. Oh Daphnée regarde, minauda-t-elle un sourire extatique sur son visage grossier, ta sœur va pleurer,  tu devrais éviter ça Tory, rajouta cette peste à mon intention, tu es déjà suffisamment laide comme ça, pas la peine d’aggraver les choses".

     Les autres filles de Serpentard partirent dans un rire gras, tandis que je déployais des efforts surhumains pour retenir mes larmes. Voir Daphnée rire avec ses pestes, me blessa bien davantage que la remarque de Pansy mais je ne voulais pas qu’elle me voit pleurer. La colère fit se redresser  Lucy sur le banc et d’un mouvement leste elle pivota vers Pansy et planta ses yeux noisette dans les siens, elle s’accouda à la table et étendit les jambes devant elle. Avec une moue perplexe, elle s’adressa à la Serpentard après l’avoir examiner des pieds à la tête :

    "- Si Astoria en vient à pleurer ma chère, ce ne peut être que de rire. Venant de toi Pansy, ce genre de remarques ne peut susciter une autre réaction. Il n’y a rien d’étonnant là-dedans. Enfin voyons, dit Lucy sur un ton sérieux, Pansy ! Est-ce que tu t’es regardée récemment dans un miroir ? Oui ? Non ? Toi-même tu es une espèce rare d’accumulation de tares congénitales et en matière de laideur tu t’y connais mieux que personne, déclara-t-elle d’une voix forte, avec ta tête de pékinois, ta coupe de cheveux raté, tes bras trop longs, ton acné, tes dents de cheval et ta silhouette d’épouvantail , ce n’est pas la peine d’espérer vainement. Personne ici ne serait en mesure d’égaler autant d’horreur. Il faut que tu te fasses une raison ma grande, tu resteras toujours la pauvre fille à laquelle on se réfère pour estimer la laideur des autres. Aucun sortilège ne serait assez puissant pour lutter contre cet état de fait. Alors que tu viennes reprocher à Astoria sa soi-disant laideur qui est purement imaginaire au passage, ne peut que la faire rire. Ton dépit et ta rancœur n’y changeront rien ma pauvre Pansy. Tu resteras toujours une mocheté. Comme quoi, conclut-elle dans l’hilarité générale, la magie ne fait pas tout".

      Avec un élan d’affection pour cette petite rouquine au caractère bien trempé, je ravalais mes larmes et riais de bon cœur avec les autres. Susie m’adressa un clin d’œil complice, tandis que Matilda applaudit, un sourire étincelant traversant son visage de poupée. Humiliée par une petite fille de première année était sans doute la pire chose qui puisse arriver à Pansy Parkinson, qui rouge de honte, les yeux exorbités de fureur, courut en direction la porte. Daphnée me gratifia d’un regard mauvais, avant de se lancer à la poursuite de sa grande amie, au moment où les hiboux arrivèrent déposer le courrier. Snowy, notre chouette, une Harfang des neiges, traversa la Grande salle pour laisser choir devant moi une enveloppe couleur ivoire, sertie d’un ruban vert, cacheté par le sceau de notre famille. Un serpent au milieu des herbes folles sous une lune claire, parce que les Greengrass savent naviguer en toutes circonstances, même dans les heures les plus sombres. Je déglutis péniblement en m’emparant de la lettre et adressa un regard inquiet à mes amies qui me sourirent pour me donner du courage. L’écriture, fine et inclinée, m’informa qu’elle venait de mon père. En retenant mon souffle, je décachetais l’enveloppe et dépliai le parchemin.

     

    Ma chère fille,

    La lettre de Daphnée nous est parvenue hier soir, elle nous apprend que tu as été admise à Serdaigle. Ta mère est bien évidemment furieuse de ton échec, et je dois bien avouer que pour ma part, cette admission ne me réjouit pas. J’aurai préféré pour toi, que tu côtoies des camarades venant de ton milieu, partageant ton éducation, tes valeurs, ayant reçu une instruction comparable à la tienne. Astoria, je crois que ta vie aurait sans doute été plus simple à Poudlard, si tu avais été dans notre maison et non à Serdaigle. Tu comprendras donc mes réticences quant à tes fréquentations, que je ne souhaite pas recevoir au manoir pas plus que je ne souhaite t’entendre les évoquer quand tu seras de nouveau à la maison. Néanmoins, cette admission, si elle décevante n’en est pas vraiment surprenante. Ton vieux père n’est pas encore totalement idiot, et j’ai remarqué il y a longtemps déjà, bien avant que tu ne saches parler et marcher, que tu serais très différente de ta sœur.

     Si Daphnée a davantage hérité de ta mère, toi, en revanche, tu tiens incontestablement de moi. J’ai toujours voulu que mes filles soient en mesure de prendre leur destin en main, j’ignorais alors que tu suivrais mes recommandations à la lettre. Certes, je n’approuve pas ton admission dans la maison bleue et bronze, mais la différence de caractère entre toi et ta sœur est si flagrante, le contraste entre vous si saisissant, que, dans une certaine mesure, je peux envisager Serdaigle, comme étant la solution la plus logique en ce qui te concerne. Tu as toujours eu les qualités, qui caractérisaient les élèves de cette maison. J’avais espéré que tu les mettrais à profit à Serpentard, et que tu parviendrais à influencer positivement Daphnée et tes camarades, mais ta répartition me fait renoncer avec regrets à ce projet.

    Néanmoins, cela ne change en rien les ambitions que j’ai formulées pour toi. Puisque tu es dans cette maison, et que cette décision demeure de toute façon irrémédiable, nous tâcherons de faire avec. Tu devras suivre ton propre chemin avec les valeurs que moi et ta mère nous t’avons inculquée durant ton enfance. Soit toujours digne de ton rang Astoria, sans pédantisme ni arrogance. La noblesse est un  devoir qui exige une exemplarité, un honneur, des responsabilités, qu’il te faut exercer à chaque instant de ta vie. En tout, sois toujours juste et mesurée. Etre de Sang-Pur, implique que tu sois digne. Digne de ton rang, de ton héritage, de ta famille.

    N’imagine pas que ton admission à Serdaigle t’exempte de tes devoirs d’aristocrate, car ce n’est pas le cas. Cette maison, moins noble que Serpentard il est vrai, te donne néanmoins l’opportunité de considérer le monde depuis les hauteurs. Tiens-toi à cette ligne de conduite, Astoria, regarde le monde avec réflexion et sagesse, puisque tel est ton destin. Applique-toi à toujours en maîtriser les usages, sans être hautaine ou prétentieuse. Tu es toujours une Greengrass et en tant que telle, tu dois inspirer le respect par une conduite exemplaire qui fera de toi un modèle pour les autres.

     

                                                               Ton Père, Hector Greengrass.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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