• Chapitre 2 Mieux vaut être seule que mal accompagnée

    Les paroles de Daphnée m’étaient restées gravées dans la tête durant les deux années qui me séparaient de ma propre admission à l’école de sorcellerie. Si je n’étais pas à Serpentard, je serais plus ou moins, la honte de la famille. Je ruminais mes sombres pensées en déambulant dans les couloirs de notre vieux manoir, entre deux leçons ou deux réprimandes maternelles. Serpentard…avais-je seulement envie d’y aller dans cette fichue maison pour Sangs-Purs ? Pourquoi devais-je suivre le même chemin que ma sœur et mes parents ? Pour la renommée de la famille Greengrass ? Oui…évidemment que oui.

      Daphnée était partie vers Poudlard tout sourire, sûre d’elle, comme toujours, convaincue de réussir tout ce qu’elle entreprendrait une fois au château. Comment arrivait-elle à faire ça ? Je soupirai en pensant à ma sœur. Merlin qu’elle me manquait ! La maison me semblait si vide, si sinistre sans elle. Daphnée pouvait certes être exaspérante mais elle savait, bien que mieux que moi, comment chasser son ennui en faisant tourner le monde autour d’elle en permanence. Evidemment, son admission dans la maison tant estimée avait mis en joie mes parents, particulièrement ma mère, qui n’avait pu retenir un cri extatique en apprenant le nom des camarades de promotion de ma sœur. Dès lors, il ne fut plus question que de ma propre admission dans la maison vert et argent. Chaque jour, inlassablement, j’entendais le même refrain : la ruse, l’ambition, la quête du pouvoir, la grandeur, autant de qualités que Serpentard m’aiderait à exprimer pleinement. L’idée que je ne puisse pas me reconnaître dans les traits de caractères de la maison, ne semblait même pas avoir effleuré l’esprit de mes parents.

      Dans les lettres que m’envoyait Daphnée, je remarquais petit à petit, des changements subtils dans son comportement et sa façon de penser, que ces allées et venues pendant les vacances me confirmaient. Peu à peu, elle devenait plus lointaine, plus hautaine avec moi, parlant à loisir de ses nouveaux amis, notamment Pansy Parkinson dont ma sœur faisait tantôt le blâme tantôt l’éloge, me laissait perplexe. J’eus la très nette impression que les filles de la maison Serpentard étaient  toutes en majorité de petites pestes suffisantes, mais je gardais mes remarques pour moi. Dans chacun des propos de Daphnée je pouvais sentir une moquerie, une méchanceté, que je n’avais jamais perçue jusqu’à présent. Ma mère se réjouissait de voir à quel point sa fille s’était bien intégrée à sa nouvelle école, m’encourageant une fois de plus avec moult regards appuyés et remarques sibyllines à prendre exemple sur elle. Est-ce que moi aussi j’allais devenir comme ça si j’allais dans cette maison ?

       "-  Je suis très fière de toi Daphnée, dit un soir ma mère alors que nous étions à table.

       -  Merci Mère, répondit ma sœur en rosissant, le professeur Rogue, m’a complimentée avant les vacances, en disant que j’étais très douée en potions, pour lui il ne fait aucun doute que je suis promise à un très grand avenir.

       - Quel homme adorable ! S’extasia Mère, qu’en pensez-vous Hector ?

       - Moui… dit mon père, le nez plongé dans son assiette, visiblement peu intéressé par les ragots.

       - Bien sûr je n’ai pas les notes de cette épouvantable Granger, renifla Daphnée avec tellement de mépris que je faillis sauter de ma chaise, mais cette petite peste est une amie d’Harry Potter, alors forcément tout le monde l’avantage.

       - Granger ? Releva mon père, ce nom m’est inconnu, de qui s’agît-il ?

       - Elle est à Gryffondor, grimaça ma sœur, c’est une Sang…une née-moldue", se reprit-elle in extremis.

     Ma mère poussa un cri d’horreur épouvanté. La surprise choquée qui était apparue sur son visage à l’annonce de Daphnée, laissa bien vite la place à une expression d’indignation écœurée. Mon père haussa des sourcils perplexes, puis posa ses coudes sur la table, les mains jointes et appuya sa bouche dessus. La parfaite attitude d’un gentleman en pleine réflexion. Je tournais la tête vers lui et nous échangeâmes un regard long, en tentant de déchiffrer nos pensées mutuelles.

       "- Hum ! Une Née-Moldue vraiment ! Pesta Mère au comble de l’indignation, Poudlard n’est plus ce qu’il était par Salazar !

        - Il y avait déjà des nés-Moldus à notre époque Denevra, ne soyez pas de mauvaise foi, énonça mon père d’une voix lente.

        - Mais Hector !" S’exclama ma mère.

      Un regard glacial fit taire Mère qui se replongea instantanément dans la contemplation de son assiette. Aussi Serpentard fût-il, mon père n’en était pas moins différent des autres. Le terme « Sang-de-Bourbe » était proscrit dans notre maison, jugé bien trop vulgaire par Père qui trouvait ce genre de vocabulaire indigne d’une famille de Sang-Pur comme la nôtre. Durant le long silence qui avait suivi l’échange houleux entre nos parents, Daphnée mangea en silence, tout comme moi, sans doute gênée par la tournure qu’avait pris la conversation. Au bout d’un moment, elle releva la tête et tenta de relancer la conversation sur un ton plus léger :

        "- En tout cas, à la rentrée, se sera au tour de Tory d’entrer à Poudlard !

         - Et oui déjà, notre petite Astoria va quitter la maison elle aussi, soupira mon père en souriant, es-tu impatiente ?

         - Oui, répondis-je après un temps de réflexion, d’après ce que dit Daphnée les cours de sortilèges et de métamorphoses ont l’air passionnant, il me tarde de les commencer, affirmai-je.

         -  Et pas les potions ? S’étonna ma mère.

         - Euh…si bien sûr aussi, hésitai-je.

         - Ah ! S’exclama Père dans un sourire franc, la métamorphose et les sortilèges ? Deux disciplines nobles par excellence, étant donné la nature des manifestations instinctives de ta magie, je ne doute pas que tu seras une très bonne élève dans ces deux domaines, affirma-t-il, qui plus est, Minerva McGonagall et Filius Flitwick sont d’excellents professeurs, qui ont formé de très grands sorciers.

         -Merci Père, murmurai-je en souriant avec bonheur.

         - Mais ces disciplines ne sont pas les matières reines de la maison Serpentard, glissa ma mère d’une voix sibylline.

         - Peut-être que Tory espère appartenir à une autre maison"…hasarda ma sœur les yeux plissés

    A cet instant précis, je compris pourquoi Daphnée avait été envoyé dans la maison vert et argent. La tête inclinée légèrement de côté, ses yeux verts réduits à deux fentes scintillantes, un rictus moqueur tordant sa bouche pleine, elle me fit irrésistiblement penser à une vipère prête à mordre. Ma mère se tourna vers moi, les yeux écarquillés par le choc qu’elle venait de recevoir.  Mal à l’aise je baissai la tête, non sans adresser au passage, un regard de reproche à Daphnée. Pourquoi faisait-elle toujours ça ? Pourquoi fallait-il qu’elle détruise toujours les rares moments de complicité que je pouvais partager avec Père ? Je me surpris à la maudire intérieurement. Daphnée pouvait être vraiment une peste quand elle le voulait, et elle arrivait toujours à ses fins. Je vis le visage de Père se rembrunir instantanément. Estimer la métamorphose et les sortilèges étaient une chose, accepter que sa fille cadette soit dans une autre maison que la sienne en était visiblement une autre. Avec un sourire perfide, ma sœur poursuivit sur sa lancée :

       " - Peut-être souhaites-tu aller à Gryffondor avec Hermione Granger, Ronald Weasley et Harry Potter ?

         - Pourquoi ? Tu espères t’en faire des amis de cette manière ? Grinçai-je.

         - Astoria ! Me réprimanda Mère.

         - Oh non certainement pas ! S’écria Daphnée les yeux ronds comme des billes d’indignation, Drago nous a interdits de leur adresser la parole.

         - Drago ? Releva ma mère, alors que j’écarquillais les yeux d’étonnement.

         - Drago Malefoy, précisa Daphnée avec un sourire satisfait, il dit que ces trois-là sont infréquentables, ils sont indignes  des Sangs-Purs selon son père, ils déshonorent la fonction de sorcier.

         - Oh tu fréquentes Drago Malefoy ! S’extasia ma mère

         -  Oui nous sommes très proches, avec Pansy, Théodore Nott et Blaise Zabini.

         -  Magnifique ma chérie, ce sont là d’excellentes relations.

         - C’est vrai ce sont d’excellents amis, répondit Daphnée tout à son plaisir, contrairement à ceux que l’on peut trouver dans les autres maisons, rajouta-t-elle en braquant son regard acéré sur moi, les Serdaigle sont inexistants, les Gryffondor vaniteux et stupides, tout juste bons à jouer au Quidditch, il ne te reste que Poufsouffle, petite sœur, la maison poubelle des Traître à leur Sangs et des Nés-Moldus.

         - Et je suppose que c’est là, la vision de Poudlard du Grand Drago Malefoy ? Demandai-je caustique.

         - Précisément et figure-toi que c’est aussi la mienne, répondit-elle en bombant le torse.

         - Eh bien, effectivement quel bonheur d’être à Serpentard ! Persiflai-je, que ce doit être reposant d’avoir un « Serpent-en-Chef » qui réfléchit pour tout le monde ! Tu as raison Daphnée ne change rien, ce serait vraiment dommage que tu parviennes à penser par toi-même ! 

        - Tu n’as pas le droit de me parler comme ça ! S’écria-t-elle  en se levant furibonde, Mère dîtes-le lui ! Interpella ma sœur en se tournant vers elle.

        - Ça suffit, tonna mon père d’une voix forte, vous vous calmez tout de suite toutes les deux ! Asseyez-vous immédiatement ! Sachez jeune filles que je ne tolère pas ce genre de comportement à ma table, continua-t-il sur le même ton en faisant peser sur nous un regard lourd de reproches, vous vous asseyez et je ne veux plus rien entendre. »

      Un silence de mort s’abattit sur la salle à manger tandis que moi et Daphnée reprenions nos places. Dans ma colère je ne m’étais même pas rendue compte que je me dressais devant ma sœur. Ma mère ouvrait de grands yeux choqués et furieux qu’elle faisait virevolter entre moi et ma sœur. Mais c’est le visage fermé et soucieux de mon père qui me fit le plus de peine. Honteuse, je baissai la tête et contemplai mes petits pois un sanglot nouant ma gorge. S’il y avait bien une chose que je ne supportais pas, c’était de décevoir mon père et vu sa tête, je venais incontestablement de franchir plus d’une limite. Nous finîmes notre repas sans échanger le moindre mot. Daphnée, elle-même n’osait plus rien dire. Quand mon père reprit la parole, après un long moment, sa voix n’était pas plus forte qu’un murmure, mais il suffit à nous glacer le sang :

         « - Nous sommes des Greengrass et nous sommes des Sangs-Purs, annonça-t-il d’une voix maîtrisée et pleine d’autorité, nous nous comportons comme il sied à notre rang. Avec honneur et dignité. Depuis des générations, dit-il en dardant sur moi un regard lourd de sens, notre famille est formée dans l’enceinte de la maison Serpentard. Mais nul jamais n’a pris de décision à notre place, un Greengrass ne se laisse pas séduire par le chant des sirènes, insista-t-il en regardant Daphnée, pas plus qu’il ne se laisse dicter sa conduite. Notre famille a toujours su anticiper les attaques parce qu’elle s’est toujours soumise à une ligne de conduite exemplaire, avec honneur et dignité. J’entends que mes filles suivent ce même chemin. Etre de Sang-Pur n’est pas un privilège mesdemoiselles, énonça-t-il d’un ton froid, mais un devoir.  Il vous incombe d’être un exemple pour les autres, un modèle à suivre pour vos camarades, quels qu’ils soient. En aucune façon vous devez vous abaissez, vous et le statut qui est le vôtre par un comportement inadapté et violent.

          - Hector, intervînt Mère, vous ne pouvez exiger de nos filles qu’elles fréquentent des nés-Moldus, ce serait terriblement compromettant pour leur avenir !

          - De la part d’une McNair je devais m’attendre à ce genre de remarques, rétorqua Père d’un ton froid. Sachez que je ne les incite pas à fréquenter des nés-Moldus, je leur demande de se conduire selon le rang qui est le leur, et la noblesse exige Madame, que ce genre d’idées ne sorte pas des murs de notre maison.

          - Mais Hector, vous savez bien que beaucoup parmi la haute-société croit au retour du Seigneur des Ténèbres, ne pas prendre position pourrait faire de nous des proscrits, dit Mère affolée.

          - Mieux vaut être proscrit que déshonoré, il ne sera pas dit que les Greengrass finiront comme les Black, puis se tournant vers nous il ajouta, sachez jeunes filles que la noblesse n’a nullement besoin de justification. Vous êtes nobles et n’avez aucun compte à rendre à personne, mais si ce statut est enviable c’est parce qu’il a su imposer le respect dans toute la communauté sorcière. Vous devez vous en montrez dignes, en toute circonstance, n’oubliez jamais cela, me suis-je bien fait comprendre ?

          - Oui Père, murmura Daphnée.

          - Oui Père », soufflai-je en levant vers lui des yeux timides.

     Satisfait, il hocha la tête et nous renvoya dans nos chambres. Ses paroles ne me quittèrent pas jusqu’au 1er septembre. Daphnée ne m’adressa quasiment plus la parole, vexée de ne pas avoir eu le dessus durant cette dispute et même si je lui en voulais encore, je ne pouvais m’empêcher de regretter cette distance entre nous. Après tout nous étions sœurs ! Elle avait tellement changé depuis qu’elle était à Poudlard, elle était si froide à présent, si distante avec moi, j’avais l’impression que nos jeux dans le jardin datait non pas de deux étés en arrière, mais d’une autre vie. Par Merlin ! Lui seul pouvait savoir ce qu’il pouvait bien se passer dans cette fichue fosse aux serpents pour que Daphnée ait changé à ce point.

       La fin des vacances arriva si vite que j’avais peine à réaliser que j’allais à Poudlard que j’étais déjà dans le train, adressant de grands signes d’au revoir à mes parents sur le quai de la voie 9 ¾.  Quand il se mit en marche, je traînais mon énorme valise, du mieux que je pouvais vers le compartiment libre le plus proche. A aucun moment je ne vis Daphnée, sans doute était-elle trop occupée avec ses amies de troisième année pour se soucier de moi. J’avançais bonant-malant dans le petit corridor, avec force plaintes et soupirs d’agacement. Je trouvais finalement une place sur laquelle je m’effondrais épuisée et en nage. Bigre ! Ma mère avait réussi l’exploit par je ne sais quel sortilège, à faire tenir un nombre impressionnant de vêtements, de livres, d’ustensiles de potions et j’’en passe, dans une malle qui devait bien faire trois fois mon poids. Après l’avoir traînée sur tout un wagon, j’avais la sensation que mes articulations avaient fondu, me donnant l’impression d’être une méduse. Sensation pas si désagréable que cela d’ailleurs…

      Je m’absorbais dans la contemplation du paysage qui défilait durant une bonne partie du voyage, quand le train s’arrêta net sur la voie. Sortant de ma torpeur, je regardais partout autour de moi en essayant de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Dans les compartiments voisins, je pouvais entendre les élèves s’agiter, apparemment, c’était la première fois que le phénomène se produisait. Soudain, un froid polaire envahit le compartiment, tandis que sur la vitre, je pus voir les gouttes de pluie geler instantanément. Glacée jusqu’aux os, je me recroquevillais sur mon siège. Comment la température pouvait-elle chuter aussi rapidement ? Je n’en savais rien, le froid semblait engourdir mon cerveau. Alors qu’il s’intensifiait et que j’éprouvais de plus en plus de difficulté à respirer, j’entendis un silence pesant s’abattre progressivement sur le compartiment, émaillé çà et là, par des gémissements et des pleurs. Quelque chose se déplaçait dans le corridor, tournant la tête vers la porte du compartiment, je vis une ombre noire s’étendre devant elle, en flottant au-dessus du sol. Retenant un cri de terreur, je vis la poignée s’ouvrir. Et tout à coup, sans que je ne comprenne véritablement pourquoi, le visage déçu de mon père, tel que je l’avais vu durant notre dernier repas ensemble, apparut distinctement dans mon esprit. Puis s’enchaînèrent, les yeux moqueurs de Daphnée, la moue réprobatrice de Mère et à chaque nouveau souvenir,  le sentiment cuisant d’être une gêne inutile s’enracinait dans mon cerveau. Mes larmes coulèrent alors que je suppliai la créature de me laisser en paix.

          "- spero patronum ! » Lança une voix sèche et autoritaire.

      La créature se fit alors charger littéralement par un gigantesque lion d’un blanc éclatant qui la repoussa avec force. Relevant la tête, en larmes, je rencontrais les yeux d’une femme d’un âge respectable à la mine sévère. Son regard devînt plus doux quand elle vit mon état, et elle entra pour me donner un carré de chocolat :

          "- là tout va bien, le Détraqueur est parti, me dit-elle d’une voix douce, mangez ce carré de chocolat vous verrez que les effets de la magie disparaîtront d’eux-mêmes, expliqua-t-elle en désignant du menton la sucrerie toujours dans le creux de ma main, je suis le professeur McGonagall, sourit-elle puis-je savoir votre nom Miss ?

          - Astoria Greengrass, bredouillai-je.

          - Un lien de parenté avec Daphnée Greengrass ? Demanda-t-elle en fronçant des sourcils perplexes.

          - C’est ma sœur…

          - Bien, je vais l’envoyer près de vous pour le reste du voyage, dit le professeur McGonagall en quittant mon compartiment, mangez ce chocolat Miss, vous verrez cela vous fera le plus grand bien. »

    Le professeur McGonagall était certainement d’une efficacité redoutable, car en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Quidditch » ma sœur déboula comme un boulet de canon dans mon compartiment escortée de deux filles, qui tout comme elle, avaient revêtu l’uniforme aux couleurs de Serpentard. Elle me regarda avec une moue moitié affligée, moitié contrariée, qui me fit penser qu’elle était là de mauvaise grâce. Je tremblais encore en levant un regard éperdu vers elle, tandis que les deux autres Serpentard me regardaient avec dédain.

        "- Oh Tory vraiment ! S’exclama-t-elle exaspérée, ce n’était qu’un Détraqueur !

         - Je …je sais mais…

         - Et puis, me coupa-t-elle contrariée, je peux savoir ce qui te donne le droit de me convoquer dans ton compartiment ? Il ne t’est pas venu à l’esprit que je pouvais être occupée ? S’indigna Daphnée, franchement Tory tu exagères ! Regarde-moi ça, dit-elle en laissant tomber ses bras fins en signe d’impuissance, regarde dans quel état tu t’es mise, c’est n’importe quoi ! S’exaspéra-t-elle avant de se pencher vers moi avec un mouchoir pour tenter de me redonner figure humaine.

         - Peut-être a-t-elle revu le jour où tu lui as cassé sa poupée préférée, se moqua l’une de ses camarades avant de partir dans un rire aigu.

         - Oh sans doute », concéda Daphnée avec un sourire amusé.

     Je la regardai sans un mot, tandis qu’elle s’employait à essuyer mes larmes et à me recoiffer. Ses deux acolytes continuèrent leurs moqueries sans que ma sœur ne songe un seul instant à prendre ma défense. Furieuse et sous le choc, je n’eus pas le courage de répliquer.  Je regardai Daphnée, blessée, sans que cela ne la fasse nullement réagir. Elle râla durant tout le temps qu’elle s’occupât de moi, pestant contre ma sensiblerie de petite fille.

       " - DAPHNEE ! » Glapit une voix dans le couloir.

    Aussitôt les deux Serpentard se raidirent, tandis que le visage de ma sœur se crispa. Une fille brune au visage particulièrement ingrat entra dans le compartiment, en adressant aux Serpentard un regard flamboyant.

        "- Pansy, commença ma sœur d’une voix douce.

         - Je peux savoir ce qui t’as pris ? Argua la jeune fille en rougissant de colère, et qu’est-ce que tu fais avec cette…cette gamine ? Cracha-t-elle en me gratifiant d’un regard méprisant.

         -Cette gamine, articula Daphnée sans se départir de son calme, est ma petite sœur, Astoria.

         - Ah ! S’exclama Pansy d’une voix suraigüe, cette…chose est ta sœur ? Dit-elle ébahie avant de partir dans un rire tonitruant.

         - Et oui, dit Daphnée avec une profonde lassitude, nous n’avons pas tous la chance d’être enfant unique.

         - Ah Ah ! Mais c’est l’avorton de la portée à moins qu’elle ne soit croisée avec un elfe de maison, vu ses yeux globuleux, on peut se permettre d’avoir des doutes ! Par Merlin Daphnée, ta sœur est d’une laideur s’en est affligeant, dit-elle sur un ton faussement compatissant puis elle sourit avec un air mauvais qui la rendit encore plus laide, quand je vais dire ça à Drago, lança-t-elle perfide.

          -Quoi ?  S’écria Daphnée soudainement en proie à la panique, non ! Pansy non ne fais pas ça ! 

          - Et pourquoi pas ? Répliqua l’autre en sortant dans le corridor, ce n’est pas tous les jours qu’on voit pareil spectacle", conclut-elle sous les rires des deux Serpentard qui la suivirent.

      Elles s’éloignèrent en riant comme des possédées.  Assise, les genoux repliés sous mon menton, fermement enserrés dans mes bras, je regardais la banquette vide en face de moi en pleurant de rage. Comment Daphnée pouvait-elle laisser ses camarades se moquer de moi sans intervenir ? J’allais ouvrir la bouche pour lui demander des explications, quand ma sœur qui regardait la porte vitrée, se tourna brusquement vers moi en me foudroyant d’un regard haineux :

       « - Tout ça c’est de ta faute ! Cracha-t-elle le visage tordu par la rage, tu es jalouse de moi parce que je réussis tout mieux que toi ! Avec tes histoires stupides, tu as tout fichu par terre. Pansy va raconter à tout le monde qu’elle t’a vu ! Et ils vont tous se moquer de moi ! Je te déteste ! Tu fais toujours tout me mettre dans l’embarras, comme cet été avec Père. Je te déteste, tu es la pire sœur qu’on puisse imaginer, à partir de maintenant tu ne m’adresses plus la parole, je ne veux plus rien savoir de toi ! » Lança-t-elle avec force, en versant des larmes de colère.

    Elle partit en claquant la porte. A bout de souffle, les larmes ruisselant sur mes joues, je me pinçai pour voir si tout cela était bien réel. Daphnée venait-elle de me rendre responsable de l’attaque du Détraqueur et de la méchanceté de sa « grande amie » Pansy ? La douleur cuisante dans mon avant-bras m’apprit que oui. Je pleurai sans discontinuer jusqu’à l’entrée en gare du train. Alors, épuisée et totalement étrangère aux évènements j’enfilais ma robe de sorcière et suivit les premières années en ayant la sensation que ma tête était dans du coton. Complètement hébétée, je passai ma première arrivée à Poudlard en regardant mes pieds, les yeux rougis, dans un état second. Ce fut la mention de mon nom qui me tira de ma torpeur.

    « - Greengrass Astoria. » Enonça la voix sèche du professeur McGonagall.

      Je sentis tous les yeux se braquer sur moi. Inspirant profondément, la peur tordant mon ventre, j’approchais du professeur de métamorphose d’un pas hésitant et mesuré. Un animal flairant le piège n’aurait sans doute pas réagit différemment. Avec un sourire d’encouragement, la directrice des Gryffondor me montra le petit tabouret où je devais prendre place et glissa jusqu’à moi avec le vieux choixpeau mité, qu’elle posa sur ma tête avec douceur. Je surpris le sourire encourageant de ma sœur assise avec grâce, le menton posé sur son poing à la table des verts et argents, ainsi que celui moqueur de cette peste de Parkinson. Daphnée me parut totalement hypocrite dans cette position, mimant le rôle de la grande sœur attentive, alors que quelques heures auparavant elle avait pris un malin plaisir à laisser ses amies m’humilier. Serrant les dents, je fermais les yeux, le temps de sentir le choixpeau s’appesantir sur ma tête, quand le professeur McGonagall le laissa choir. Le vieux morceau de tissu déformé me barra la vue, ce dont je lui étais grée, étant donné les circonstances.

        "- Une Greengrass ? Hum…s’étonna une voix malicieuse à mon oreille, les Greengrass sont en général plutôt intéressants."

      « Plutôt intéressants » ? Je n’eus pas la moindre idée de ce que ce vieux machin rapiécé voulait entendre par là. La seule chose qui me préoccupait était le temps infini que le choixpeau mettait à prendre une décision. J’avais l’impression d’être là depuis trop longtemps, et le rouge commençait à me monter aux joues.

       "- Alors, alors, voyons un peu… allons allons calme-toi petite Astoria, tu es difficile à placer tu sais ?  Et si tu commences à paniquer la tâche me sera encore plus dure…Que dirais-tu de Serpentard ? Cela pourrait te convenir, tu seras avec ta sœur."

     Je fermai les yeux aussi forts que possible, le cœur battant. Le visage moqueur de Pansy et le rire froid de Daphnée me revinrent en mémoire, tandis que je revivais la scène du train. Deux pestes, il n’y avait pas d’autres mots. Respirant avec difficulté, j’essayais d’imaginer quel enfer m’attendrait si jamais ce foutu choixpeau m’envoyait chez les verts et argents. Non, non pas Serpentard, pas Serpentard ! Ce serait terrible ! Tant pis pour mes parents, mais je ne voulais pas être un souffre-douleur ! Pas Serpentard.

       "- Hum oui, je comprends, dit la petite voix d’un ton apaisant, comme pour répondre à mes pensées, mais à Serpentard tu serais parmi les tiens… 

        -Je m’en moque, hurlai-je dans ma tête, envoie-moi n’importe où, Poufsouffle, Serdaigle, Gryffondor, n’importe où mais pas à Serpentard. Je ne veux pas devenir comme Daphnée, je ne suis pas ma sœur, je préfère être seule que mal accompagnée !

       - Oh mais que voilà une parole pleine de sagesse, c’était précisément ce que je voulais savoir, chuchota la petite voix à mon oreille avant de lancer à la cantonade, SERDAIGLE !"

     

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